A Houndé, des producteurs de coton exigent de Monsanto un dédommagement

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Fatigués de produire à perte le coton génétiquement, des agriculteurs de Houndé à l’ouest du Burkina Faso qui s’estiment dupés par les promoteurs de cette culture, réclament un dédommagement. Ils ont saisi l’occasion du passage dans leur localité de la caravane ouest-africaine pour les terres, l’eau et les semences le samedi 5 mars 2016 pour donner de la voix.

« Nous ne voulons plus du coton OGM. C’est une arnaque qui à terme nous tuera tous », répète à qui veut l’entendre Lohouan Wanhoun, un producteur en colère. En 2009, lui et son groupement se sont laissés séduire par le discours de la firme américaine leur promettant de meilleurs revenus et la réduction des coûts de production. Moins de 10 ans après, la réalité est complètement différente. Le coton génétiquement modifié encore appelé coton BT s’avère être une grande duperie.

BT fait référence à une toxine, le Bacillus thuringiensis, que la firme Monsanta a introduit dans les variétés locales de coton du Burkina Faso pour lutter contre le ver rose, un ravageur nuisible et répandu. En 2003, le Burkina Faso était le premier pays à tester le coton BT dont la culture a été lancé à grande échelle en 2008. En 2009, 90% des producteurs de coton du Burkina Faso étaient engagés, beaucoup malgré eux, dans la culture du coton BT.

Cependant le coton BT a multiplié les mauvaises surprises pour les producteurs qui ont enregistré de lourdes pertes. Contrairement à ce qui avait été dit, les rendements du coton BT sont médiocres. Pendant ce temps, les dépenses de production ont explosé. Les semences de coton Bt qui étaient distribuées gratuitement aux producteurs sont à présent vendues très cher. Le sac de 30 kg coûte 26.000F CFA [environ 44 USD) alors que le même sac de semences de coton conventionnel ne vaut que 3000 F CFA [environ 5 USD].

Rien d’étonnant pour Ousmane Tiendrébéogo, secrétaire général du Syndicat National des Travailleurs de l’Agropastoral (SYNTAP). « Nous avions prévenu les producteurs qu’avec les OGM, ils perdraient tout contrôle sur les semences. Aujourd’hui, ils comprennent mais le mal est déjà fait », regrette M. Tiendrébéogo.

Les forts bénéfices promis par la firme américaine ne sont jamais venus. La fibre est de mauvaise qualité et se vend mal. « Le coton est volumineux mais ne pèse pas alors que nous vendons au poids », déplore Lohouan. « Avec le coton BT, mon meilleur bénéfice était 300.000F CFA [503 USD] il y a 3 ans. J’étais incapable de supporter ne serait-ce que les frais de scolarité de mes enfants et de mes frères », confesse-t-il.

Selon des producteurs, le coton Bt est à l’origine de certaines maladies du bétail jusqu’alors inconnues. « Nos vaches ne produisent plus assez de lait et sont devenues maigres. C’est la faute des OGM. Pourtant, on nous avait assuré que le bétail pouvait manger sans crainte les plants et les graines du coton OGM », accusent Mohammed Traoré, un producteur.

Face aux méfaits du coton BT, les producteurs reviennent en masse au conventionnel. Lohouan est retourné au conventionnel l’année passée. Les résultats n’ont pas tardé. « La campagne dernière j’ai obtenu 900.000 F CFA [1510 USD] de bénéfice avec le coton conventionnel. Je n’aurais jamais dû abandonner le conventionnel », confie-t-il. Regroupés au sein du « Collectif de Houndé », les producteurs et anciens producteurs de coton OGM demandent réparation. Ils exigent de Monsanto la compensation des pertes qu’ils ont subi pendant des années.

Pour l’heure, les producteurs travaillent à mobiliser davantage de victimes du coton Bt pour donner plus de poids à leurs revendications. Aucune estimation n’est faite sur les pertes des producteurs de coton de la localité. Le montant demandé en guise de dédommagement n’est non plus fixé.

Au niveau national, les trois sociétés cotonnières (SOFITEX, SOCOMA et FASO COTON) sont en discussion avec l’Union Nationale des Producteurs de Coton (UNPCB) autour d’un moratoire sur le coton Bt au Burkina Faso.

Nourou-Dhine Salouka

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